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Bonne humeur
Grimm Märchen

Bonne humeur - Contes de Hans Christian Andersen

Temps de lecture pour enfants: 13 min

Mon père m’a fait hériter ce que l’on peut hériter de mieux: ma bonne humeur. Qui était-il, mon père? Ceci n’avait sans doute rien à voir avec sa bonne humeur! Il était vif et jovial, grassouillet et rondouillard, et son aspect extérieur ainsi que son for intérieur étaient en parfait désaccord avec sa profession. Quelle était donc sa profession, sa situation? Vous allez comprendre que si je l’avais écrit et imprimé tout au début, il est fort probable que la plupart des lecteurs auraient reposé mon livre après l’avoir appris, en disant: „C’est horrible, je ne peux pas lire cela!“ Et pourtant, mon père n’était pas un bourreau ou un valet de bourreau, bien au contraire! Sa profession le mettait parfois à la tête de la plus haute noblesse de ce monde, et il s’y trouvait d’ailleurs de plein droit et parfaitement à sa place. Il fallait qu’il soit toujours devant – devant l’évêque, devant les princes et les comtes … et il y était. Mon père était cocher de corbillard!

Voilà, je l’ai dit. Mais écoutez la suite: les gens qui voyaient mon père, haut perché sur son siège de cocher de cette diligence de la mort, avec son manteau noir qui lui descendait jusqu’aux pieds et son tricorne à franges noires, et qui voyaient ensuite son visage rond, et souriant, qui ressemblait à un soleil dessiné, ne pensaient plus ni au chagrin, ni à la tombe, car son visage disait: „Ce n’est rien, cela ira beaucoup mieux que vous ne le pensez!“

C’est de lui que me vient cette habitude d’aller régulièrement au cimetière. C’est une promenade gaie, à condition que vous y alliez la joie dans le cœur – et puis je suis, comme mon père l’avait été, abonné au Courrier royal

Je ne suis plus très jeune. Je n’ai ni femme, ni enfants, ni bibliothèque mais, comme je viens de le dire, je suis abonné au Courrier royal et cela me suffit. C’est pour moi le meilleur journal, comme il l’était aussi pour mon père. Il est très utile et salutaire car il y a tout ce qu’on a besoin de savoir: qui prêche dans telle église, qui sermonne dans tel livre, où l’on peut trouver une maison, une domestique, des vêtements et des vivres, les choses que l’on met à prix, mais aussi les têtes. Et puis, on y lit beaucoup à propos des bonnes œuvres et il y a tant de petites poésies anodines! On y parle également des mariages et de qui accepte ou n’accepte pas de rendez-vous. Tout y est si simple et si naturel! Le Courrier royal vous garantit une vie heureuse et de belles funérailles! A la fin de votre vie, vous avez tant de papier que vous pouvez vous en faire un lit douillet, si vous n’avez pas envie de dormir sur le plancher.

La lecture du Courrier royal et les promenades au cimetière enchantent mon âme plus que n’importe quoi d’autre et renforcent mieux que tout ma bonne humeur. Tout le monde peut se promener, avec les yeux, dans le Courrier royal, mais venez avec moi au cimetière! Allons-y maintenant, tant que le soleil brille et que les arbres sont verts. Promenons-nous entre les pierres tombales! Elles sont toutes comme des livres, avec leur page de couverture pour que l’on puisse lire le titre qui vous apprendra de quoi le livre va vous parler; et pourtant il ne vous dira rien. Mais moi, j’en sais un peu plus, grâce à mon père mais aussi grâce à moi. C’est dans mon „Livre“ des tombes; je l’ai écrit moi-même pour instruire et pour amuser. Vous y trouverez tous les morts, et d’autres encore …

Nous voici au cimetière.

Derrière cette petite clôture peinte en blanc, il y avait jadis un rosier. Il n’est plus là depuis longtemps, mais le lierre provenant de la tombe voisine a rampé jusqu’ici pour égayer un peu l’endroit. Ci-gît un homme très malheureux. Il vivait bien, de son vivant, car il avait réussi et avait une très bonne paie et même un peu plus, mais il prenait le monde, c’est-à-dire l’art trop au sérieux. Le soir, il allait au théâtre et s’en réjouissait à l’avance, mais il devenait furieux, par exemple, aussitôt qu’un éclairagiste illuminait un peu plus une face de la lune plutôt que l’autre ou qu’une frise pendait devant le décor et non pas derrière le décor, ou lorsqu’il y voyait un palmier dans Amager, un cactus dans le Tyrol ou un hêtre dans le nord de la Norvège, au-delà du cercle polaire! Comme si cela avait de l’importance! Qui pense à cela? Ce n’est qu’une comédie, on y va pour s’amuser! … Le public applaudissait trop, ou trop peu. „Du bois humide, marmonnait-il, il ne va pas s’enflammer ce soir. “ Puis, il se retournait, pour voir qui étaient ces gens-là. Et il entendait tout de suite qu’ils ne riaient pas au bon moment et qu’ils riaient en revanche là où il ne le fallait pas; tout cela le tourmentait au point de le rendre malheureux. Et maintenant, il est mort.

Ici repose un homme très heureux, ou plus précisément un homme d’origine noble. C’était d’ailleurs son plus grand atout, sans cela il n’aurait été personne. La nature sage fait si bien les choses que cela fait plaisir à voir. Il portait des chaussures brodées devant et derrière et vivait dans de beaux appartements. Il faisait penser au précieux cordon de sonnette brodé de perles avec lequel on sonnait les domestiques et qui est prolongé par une bonne corde bien solide qui, elle, fait tout le travail. Lui aussi avait une bonne corde solide, en la personne de son adjoint qui faisait tout à sa place, et le fait d’ailleurs toujours, pour un autre cordon de sonnette brodé, tout neuf. Tout est conçu avec tant de sagesse que l’on peut vraiment se réjouir de la vie.

Et ici repose l’homme qui a vécu soixante-sept ans et qui, pendant tout ce temps, n’a pensé qu’à une chose: trouver une belle et nouvelle idée. Il ne vivait que pour cela et un jour, en effet, il l’a eue, ou du moins, il l’a cru. Ceci l’a mis dans une telle joie qu’il en est mort. Il est mort de joie d’avoir trouvé la bonne idée. Personne ne l’a appris et personne n’en a profité! Je pense que même dans sa tombe, son idée ne le laisse pas reposer en paix. Car, imaginez un instant qu’il s’agisse d’une idée qu’il faut exprimer lors du déjeuner pour qu’elle soit vraiment efficace, alors que lui, en tant que défunt, ne peut, selon une opinion généralement répandue, apparaître qu’à minuit: son idée, à ce moment-là risque de ne pas être bien venue, ne fera rire personne et lui, il n’aura plus qu’à retourner dans sa tombe avec sa belle idée. Oui, c’est une tombe bien triste.

Ici repose une femme très avare. De son vivant elle se levait la nuit pour miauler afin que ses voisins pensent qu’elle avait un chat. Elle était vraiment avare!

Ici repose une demoiselle de bonne famille. Chaque fois qu’elle se trouvait en société, il fallait qu’elle parle de son talent de chanteuse et lorsqu’on avait réussi à la convaincre de chanter, elle commençait par: „Mi manca la voce!,“ ce qui veut dire: „Je n’ai aucune voix .“ Ce fut la seule vérité de sa vie.

Ici repose une fille d’un genre différent! Lorsque le cœur se met à piailler comme un canari, la raison se bouche les oreilles. La belle jeune fille était toujours illuminée de l’auréole du mariage, mais le sien n’a jamais eu lieu …!

Ici repose une veuve qui avait le chant du cygne sur les lèvres et de la bile de chouette dans le cœur. Elle rendait visite aux familles pour y pêcher tous leurs péchés, exactement comme l’ami de l’ordre dénonçait son prochain.

Ici c’est un caveau familial. C’était une famille très unie et chacun croyait tout ce que l’autre disait, à tel point que si le monde entier et les journaux disaient: „C’est ainsi!“ et si le fils, rentrant de l’école, déclarait: „Moi, je l’ai entendu ainsi ,“ c’était lui qui avait raison parce qu’il faisait partie de la famille. Et si dans cette famille il arrivait que le coq chantait à minuit, c’était le matin, même si le veilleur de nuit et toutes les horloges de la ville annonçaient minuit.

Le grand Goethe termine son Faust en écrivant que cette histoire pouvait avoir une suite. On peut dire la même chose de notre promenade dans le cimetière. Je viens souvent ici. Lorsque l’un de mes amis ou ennemis fait de ma vie un enfer, je viens ici, je trouve un joli endroit gazonné et je le voue à celui ou à celle que j’aurais envie d’enterrer. Et je l’enterre aussitôt. Ils sont là, morts et impuissants, jusqu’à ce qu’ils reviennent à la vie, renouvelés et meilleurs. J’inscris leur vie, telle que je l’ai vue moi, dans mon “ Livre “ des tombes. Chacun devrait faire ainsi et au lieu de se morfondre, enterrer bel et bien celui qui vous met des bâtons dans les roues. Je recommande de garder sa bonne humeur et de lire le Courrier royal, journal d’ailleurs écrit par le peuple lui-même, même si, pour certains, quelqu’un d’autre guide la plume.

Lorsque mon temps sera venu et que l’on m’aura enterré dans une tombe avec l’histoire de ma vie, mettez sur elle cette inscription: „Bonne humeur.“

C’est mon histoire.

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Contexte

Interprétations

Langue

„Bonne humeur“ est un conte touchant et plein de sagesse de Hans Christian Andersen. Le narrateur hérite de la bonne humeur de son père, un cocher de corbillard, dont la jovialité contraste avec sa profession. Grâce à son père, le narrateur adopte une approche unique de la vie et de la mort, trouvant satisfaction dans les petites choses comme la lecture du Courrier royal et ses promenades régulières au cimetière.

Le conte aborde des thèmes universels tels que la perception de la vie et de la mort, l’importance de garder une bonne humeur, et la manière dont chacun peut choisir de se souvenir des autres et de leur influence sur nous. Les descriptions métaphoriques et la réflexion sur les tombes et ceux qui y reposent offrent une vision de tendresse et d’ironie sur la condition humaine.

Le narrateur trouve dans le cimetière une source de méditation, cultivant une attitude positive en „enterrant“ symboliquement les personnes qui lui causent des tourments, jusqu’à ce qu’elles reviennent à la vie plus aimables dans son esprit. L’idée que l’on devrait aborder les difficultés avec légèreté et optimisme est la clé de voûte de cette histoire.

Andersen réussit à capturer la profondeur de la vie à travers une perspective enjouée, invitant le lecteur à adopter la même philosophie envers les aléas de l’existence. Une fois enterré, il souhaite que son épitaphe soit simplement „Bonne humeur“, résumant ainsi l’héritage qu’il souhaite laisser derrière lui.

Cette histoire de Hans Christian Andersen intitulée „Bonne humeur“ est un récit plein d’ironie et d’humour noir, typique de l’auteur danois, qui explore la manière dont une personne peut choisir de voir la vie et la mort de manière positive, même lorsque les circonstances ne sont pas idéales. Le narrateur partage comment il a hérité de la bonne humeur de son père, un homme apparemment jovial malgré son métier inhabituel de cocher de corbillard.

Le narrateur continue en expliquant comment, comme son père, il trouve du réconfort et de la joie dans des activités simples: la lecture du „Courrier royal“ et les promenades au cimetière, où il s’amuse à se raconter des histoires sur les personnes dont il imagine les vies à partir des épitaphes. Loin d’être morbide, le cimetière est pour lui un lieu de paix et de réflexion.

Cette approche unique de la vie réfute l’idée que la contemplation de la mort doit nécessairement être triste et montre comment un état d’esprit positif peut transformer l’expérience quotidienne. Le texte se termine sur la volonté du narrateur d’être enterré sous une pierre tombale portant l’inscription „Bonne humeur“, résumant ainsi son approche philosophique de la vie.

L’histoire d’Andersen nous rappelle que notre perspective personnelle peut transformer notre expérience du monde, et que choisir la bonne humeur peut être la plus grande richesse de toutes.

Le conte „Bonne humeur“ de Hans Christian Andersen explore le thème de la légèreté et de la joie de vivre, même face à la mort et aux aspects sombres de la vie. Le narrateur, fils d’un cocher de corbillard, a hérité de son père une perspective unique et joviale sur la vie, malgré la nature morose de son métier. Ce conte joue sur la juxtaposition entre la gravité associée aux funérailles et la bonne humeur du père qui, par son attitude, parvient à alléger l’atmosphère et à influencer positivement ceux qui l’entourent.

Le père exemplifie le paradoxe d’une personne qui, bien que travaillant dans une profession liée à la mort, arbore une personnalité joviale et réconfortante. Il est décrit comme vif, jovial, et doté d’un visage souriant qui évoque un sentiment de réconfort et d’optimisme aux personnes en deuil. La profession du père, cocher de corbillard, est dévoilée tardivement pour jouer sur les attentes et les préjugés des lecteurs.

Le narrateur et le cimetière: Le narrateur partage l’habitude de son père de fréquenter le cimetière, mais avec un regard plus ludique et introspectif. Il considère le cimetière comme une source de réflexion et d’enrichissement personnel, une promenade joyeuse si elle est faite avec le cœur enjoué. Le cimetière est vu comme une bibliothèque, chaque tombe étant un livre qui raconte une histoire, et le narrateur s’amuse à imaginer les vies des défunts.

Le symbolisme du Courrier royal: Le Courrier royal, journal auquel le narrateur est abonné, symbolise la simplicité et les plaisirs quotidiens de la vie. Il est vu comme une source de joie et un garant d’une „vie heureuse et de belles funérailles“. Le journal, contenant des annonces variées et des poésies anodines, représente une ancre dans la routine du narrateur, renforçant sa bonne humeur.

Ironie et réflexion sur la société: Andersen utilise l’ironie pour critiquer différents archétypes humains rencontrés dans la vie, tels que l’homme trop sérieux, l’homme noble mais inutile, et la femme avare. Chaque personnage illustre une leçon sur les priorités de vie et les futilités des conventions sociales. Le narrateur enterre métaphoriquement les gens qui troublent sa tranquillité dans son „Livre“ des tombes, préférant préserver son humeur enjouée.

Conclusion évoquant la philosophie de vie: En terminant par une réflexion sur le potentiel de renaissance et d’amélioration des personnes „enterrées“ métaphoriquement, le narrateur propose une philosophie de résilience et d’adaptation. La bonne humeur est présentée comme une vertu à cultiver, et la vie, malgré ses difficultés, doit être accueillie avec joie et simplicité.

Ce conte invite le lecteur à réexaminer la manière dont les conventions sociales et les perceptions de la mort influencent notre comportement et notre bonheur. À travers un ton léger et des personnages caricaturaux, Andersen transmet un message sur la puissance de la positivité et de la simplicité dans la quête du bonheur.


Information pour l'analyse scientifique

Indicateur
Valeur
TraductionsDE, EN, DA, ES, FR
Indice de lisibilité selon Björnsson35.2
Flesch-Reading-Ease Indice62.7
Flesch–Kincaid Grade-Level9
Gunning Fog Indice10.8
Coleman–Liau Indice9.6
SMOG Indice10.7
Index de lisibilité automatisé7.9
Nombre de Caractères8.829
Nombre de Lettres6.848
Nombre de Phrases88
Nombre de Mots1.590
Nombre moyen de mots par phrase18,07
Mots de plus de 6 lettres272
Pourcentage de mots longs17.1%
Nombre de syllabes2.364
Nombre moyen de syllabes par mot1,49
Mots avec trois syllabes151
Pourcentage de mots avec trois syllabes9.5%
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